Du saut à ski en pleine ville
Un quart de siècle plus tard, le saut à ski veut reprendre son envol en Outaouais.
eux anciens athlètes internationaux pilotent un ambitieux projet pour doter la région d’un nouveau club, a appris Le Droit. Le Gatinois Jean Séguin et le Tchèque Pavol Skvaridlo aimeraient ouvrir deux plateaux d’entraînement, un en milieu urbain sur l’ancienne pente du Lac des Fées et l’autre dans le secteur rural à Camp Fortune.
Le duo a été approché par la Fédération internationale de ski (FIS) afin de relancer la discipline dans l’Est du Canada. En ce moment, il n’y a qu’un site d’entraînement reconnu. Il se retrouve à Callaghan Valley où se sont déroulées les épreuves des Jeux olympiques de 2010.
Le sport ne compte qu’une cinquantaine d’athlètes enregistrés auprès de Saut à ski Canada, dont sept membres de l’équipe nationale qui proviennent de l’Alberta et la Colombie-Britannique.
« Le directeur de la FIS, Sandro Pertile, m’a parlé. Il a aussi discuté avec Nik Petrov (directeur haute performance de Saut à ski Canada), qui me connaît bien. Ils voulaient savoir quels endroits devraient être ciblés pour développer le sport », raconte Séguin, qui a représenté le Canada sur le circuit de la Coupe du monde au début des années 1980.
« J’en ai ensuite discuté avec Pavol. Maintenant, il y a cinq provinces intéressées à embarquer (…) La fédération canadienne est aussi derrière nous. Elle est prête à nous aider. »
Skvaridlo, lui, a concouru sous les couleurs de l’ancienne Tchécoslovaquie en combiné nordique. Un sport qui marie des épreuves en ski de fond et en saut à ski.
Une fois sa carrière terminée, Skvaridlo a dirigé l’équipe nationale et junior de son pays natal. Puis, il a œuvré au centre national de Saut à Ski Canada au milieu des années 1990 en Alberta. Il habite maintenant à Chelsea.
À ses yeux, la région offre un bassin intéressant d’athlètes. Elle regorge d’espoirs dans d’autres sports qui pourraient effectuer le… saut vers le saut à ski. « En Europe, tous les jeunes commencent en ski de fond et en ski alpin avant de faire la transition. Tu dois savoir comment être en équilibre avant de sauter », rappelle-t-il.
« Nous voulons commencer par des programmes d’initiation appelés “Bump to Jump” en anglais. Tu construis de petites buttes avec de la neige qui vont mener éventuelles à de gros sauts », explique pour sa part Séguin.
Ce dernier se connaît dans le coaching. Il a dirigé le club Envol après la fin prématurée de sa carrière en raison de fractures à une jambe. L’aventure avait duré jusqu’au milieu des années 1990.
À l’époque, il y avait des sauts à Camp Fortune, mais aussi à la pente du Lac des Fées. On y retrouvait aussi du ski alpin et ski de fond avec les clubs Ullois et Skinouk.
Mais l’ancienne Ville de Hull avait fermé l’endroit. Le chalet a disparu. Même chose pour le remonte-pente. La Commission de la capitale nationale (CCN) a procédé à la renaturalisation du site dans les dernières années.
« C’est certain qu’il y aurait un peu de défrichage à faire. Mais c’est l’endroit parfait. Tu es en plein milieu de la ville. »— Jean Séguin
Des arbres ont été plantés. Une portion de la rue Gamelin a été démolie.
Séguin et Skvaridlo aimeraient convaincre la CCN de refaire de la place pour du sport à cet endroit. La pente risque d’être abrupte pour eux.
La société d’État a déjà répété dans le passé que le parc de la Gatineau demeure surtout un parc de conservation. En coulisse, on chuchote que la vocation du Lac des Fées ne changera pas.
« Regarde ça. Tu as une super pente naturelle, une super belle vue », souligne Jean Séguin en revisitant son ancien site d’entraînement plus tôt cette semaine.
« C’est certain qu’il y aurait un peu de défrichage à faire. Mais c’est l’endroit parfait. Tu es en plein milieu de la ville. »
Pavol Skvaridlo et lui aimeraient bâtir éventuellement une rampe de 20 mètres. « En ayant même une tour, tu as de la place pour aménager un saut de 40 à 50 mètres », dit-il. Des matériaux seraient déjà accessibles afin de rendre les futures rampes utilisables 11 mois par année, que ce soit au Lac des Fées ou à Camp Fortune.
« Nous pourrons utiliser le plastique qui servait au site de saut à ski des Jeux de 1988 à Calgary », fait valoir Skvaridlo. L’ancien centre ne sert plus depuis l’ouverture du site de Callaghan Valley.
Du côté de la CCN, on affirme « être au courant de l’idée de ramener des espaces pour pratiquer et s’entraîner au saut à ski à Camp Fortune ».
« Il est beaucoup trop tôt, pour la Commission de la capitale nationale, de discuter de cette idée, note toutefois une porte-parole dans un courriel envoyé au Droit. Une première décision au sujet de l’acceptabilité de cette activité appartiendra d’abord aux opérateurs de Camp Fortune. Au besoin, en conformité avec leur bail, la décision devra être évaluée à l’intérieur du cadre réglementaire de la CCN en lien avec le nouveau plan directeur du parc de la Gatineau ; le parc de la Gatineau est avant tout un parc de conservation. »
TROUVER LE PROCHAIN HORST BULAU
Le président de Saut à Ski Canada estime qu’un retour de son sport dans la capitale nationale s’avère un naturel.
Particulièrement si cela s’effectue à Camp Fortune.
« Un des meilleurs sauteurs de l’histoire au pays, Horst Bulau, avait été formé à cet endroit », rappelle Todd Stretch.
Bulau a gagné 13 fois l’or en Coupe du monde. Champion du monde junior en 1979, il a participé quatre fois aux Jeux olympiques avant de prendre sa retraite en 1992.Horst BulauARCHIVES, LA PRESSE CANADIENNE/COC
« Nous cherchons à élargir notre programme dans l’Est du pays. Un ancien athlète lancera un programme cet hiver à Thunder Bay. Et le Québec doit faire partie de nos plans », affirme Stretch.
Saut à Ski Canada veut surtout développer sa relève en vue des Jeux olympiques de 2030. Ses dirigeants veulent ratisser large et vite afin de trouver de futurs membres de l’équipe nationale.
Un peu comme le ski acrobatique avait fait au début des années 2000 avec Nicolas Fontaine, qui avait recruté d’anciens gymnastes tels que le Gatinois Olivier Rochon.
« La population est dense dans l’est du pays. Il y a un potentiel. Et nous n’avons pas besoin d’une grande montagne. Une pente comme tu trouves à Camp Fortune serait idéale en fait. »
Le saut à ski fait partie de l’histoire sportive en Outaouais. Il y a eu Jean Séguin, participant aux championnats du monde junior et réserviste aux Jeux olympiques de 1984. Son père Rhéal était aussi réserviste lors des Jeux de 1960, à Squaw Valley. Il a ensuite été juge international dans cette discipline.
« Il y a des gens qui l’ignorent, mais il y avait même déjà une rampe en métal au Château Montebello dans les années 1930. Elle était 70 mètres de longueur », souligne Jean Séguin.