Le terrain de jeu de ski : une initiation au sport pour la vie pour tous les Canadiens
Le projet a permis à Jesse Cockney de revenir plus de 30 ans en arrière, à l’époque où il était encore un jeune débutant qui découvrait son histoire d’amour avec le sport.
« Lorsque les gens enfilent des skis pour la première fois, » dit le double olympien canadien, « il y a toujours un moment d’appréhension. Ils sont vraiment concentrés, ils sont très attentifs. »
« Mais ensuite, comme toujours, après un moment, il y a cette étincelle, comme si la lumière s’allumait pour eux, et ils comprennent. Nous avons tous vécu ça quelque part, un moment donné. »
« Un énorme sourire apparaît sur leur visage. Il fait froid, -18, c’est peut-être la journée la plus froide qu’ils ont passée dehors, et ils adorent ça. »
« Ces moments sont universels, peu importe l’âge ou l’expérience. On se sent glisser, on le fait. »
« J’ai commencé à skier lorsque j’avais deux ans. Faire partie de ce projet, qui est une expérience totalement unique, me rappelle ces sentiments quand j’avais 5, 6, 7 ans. Je n’avais pas d’ambition de course, d’objectifs personnels, de rêve d’aller aux Olympiques. »
« Je skiais seulement pour l’amour du ski. C’est vraiment super à voir aller. »
En tant que coordonnateur de l’initiative Terrain de jeu de ski, un partenariat impliquant quatre sports entre Nordiq Canada, Biathlon Canada, Saut à ski Canada et Combiné nordique Canada, Cockney a eu la chance d’être témoin de ces moments à nouveau.
Le format est unique : quatre disciplines de ski dans un même endroit conçu pour initier des gens de différents horizons, et plus particulièrement les personnes Noires, Autochtones, racialisées, 2SLGBTQi+, à faible revenu, les nouveaux arrivants et les personnes atteintes d’un handicap.
Il s’agit d’une expérience unique pour des gens qui n’ont généralement jamais skié et des Canadiens sous-desservis. Une subvention de plus de 290 000 $, reçue par le biais de l’initiative Le sport communautaire pour tous de Sport Canada, a été utilisée pour développer et commercialiser le programme du terrain de jeu de ski, acheter l’équipement et organiser cinq activités de démonstration en partenariats avec des clubs, le tout dans l’espoir que les clubs de partout au pays créent des terrains de jeu de ski peu coûteux à leur tour à l’aide de pelles et d’autres équipements communs.
« Il existe peu de choses qui sont mieux que de voir les jeunes attirés par le champ de tir de biathlon, » dit Cockney en riant. « C’est amusant. Nous avons des fusils laser en place et la lumière devient verte ou rouge, les jeunes deviennent très excités. Aller jouer dehors, essayer un nouveau sport avec d’autres enfants, ce sont de bonnes initiatives pour le sport pour la vie. Que demander de mieux? »
La tournée du terrain de jeu de ski dans cinq provinces a commencé le 18 février au Nickel Plate Nordic Centre à Penticton, en Colombie-Britannique, jusqu’au Wostewea Cross Country Ski Club à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, puis vers l’est au Strathcona Wilderness Centre à Uncas, en Alberta, au River Ridge Nordic, en Saskatchewan et, finalement, dans la ville natale de Cockney, à Yellowknife, au Yellowknife Ski Club.
« L’expérience que nous avons vécue ici est merveilleuse, » résume la présidente du club Wostawea, Nathalie Comeau.
Les activités du matin du 24 février à Fredericton étaient axées sur les jackrabbits et les apprenants adultes prêts à essayer de nouvelles choses. Dans la session d’après-midi, ceux qui n’avaient jamais fait de ski avant ont pu se joindre au plaisir.
Comeau ajoute qu’il était de voir les anciens skieurs de fond jackrabbits, qui n’avaient pas visité le club depuis longtemps, revenir pour essayer le biathlon ou le saut à ski.
« Je crois que beaucoup étaient prêts à essayer les fusils laser de biathlon, car ils ont déjà joué aux arcades ou au laser tag, » dit Comeau. « Le saut à ski représente un plus gros défi pour les gens, mais j’ai été agréablement surprise de voir les enfants et les adultes l’essayer. »
« Certains enfants ont même réussi à décoller. Ils étaient vraiment bons. S’ils essayaient et ne réussissaient pas du premier ou du deuxième coup, ils retournaient en courant en haut de la côte et ils disaient “J’y retourne!” Et ils recommençaient jusqu’à ce qu’ils arrivent à atterrir sur leurs pieds. »
« Lorsqu’on pense au saut à ski au Nouveau-Brunswick, on ne penserait jamais pouvoir l’essayer. On en voit aux Olympiques, on sait qu’il y a des sauts à ski dans l’ouest, mais c’est tout. D’avoir cette activité ici, d’essayer les skis, le casque et tout, c’est inhabituel et tellement amusant, tellement excitant. Je suis certaine que les gens se sont dit : “Je dois essayer ça. Quand est-ce que je vais ravoir cette chance?” »
C’est une chance que Carolyn MacDonald, pendant sa première année de bénévolat à Wostawea, et son fils de six ans, William, ont saisie pleinement.
« Le saut à ski! » s’exclame William lorsqu’on lui demande lequel des quatre sports il a le plus aimé pendant la journée. Pourquoi?
« Parce que c’était amusant et parce que maman avait peur. »
« Moi j’étais correct. J’ai essayé environ 20 fois. J’ai atterri sur mes skis, puis j’ai perdu l’équilibre et je suis tombé sur le côté ou sur le dos. Et une fois j’ai sauté, j’ai été dans les airs, et j’ai atterri dans un banc de neige! »
Le concept d’intégrer ces quatre types de ski ensemble a impressionné Carolyn MacDonald.
« Je crois que c’est une excellente idée, » dit-elle. « Surtout dans un endroit comme ici, à Fredericton, où notre terrain est idéal pour le ski de fond, mais les gens n’ont pas vraiment l’occasion d’essayer d’autres types de ski. Il y a un endroit pour faire du ski alpin près d’ici, mais c’est vraiment différent si on compare à ce qu’ils ont dans l’ouest. »
« Essayer le saut à ski… les pentes étaient très petites, les bosses étaient douces, mais ce n’est pas quelque chose que j’aurais cru pouvoir essayer dans ma vie. Je ne sais pas si j’aurais eu la chance s’ils n’avaient pas apporté les bons casques et les skis et construit les sauts de débutant pour qu’on puisse l’essayer. »
« S’ils veulent que les gens essaient le ski, je crois que c’est une excellente façon d’y arriver.
J’espère que l’activité va revenir. »
Ce commentaire, bien sûr, est de la musique aux oreilles de Cockney, qui reconnaît que l’initiative a demandé beaucoup de travail et de déplacements dans une courte période.
« Lorsque j’ai entendu parler de ce projet pour la première fois, » admet-il, « je me suis dit : wow, c’est vraiment un gros projet… et maintenant que j’arrive à la fin, il ne reste qu’une activité à Yellowknife la semaine prochaine, c’était gros. Lancer l’élan, faire bouger les choses et se mettre sur le radar des clubs en début d’année, embarquer 13 sacs de skis Salomon et tout l’équipement qui va avec, conduire dans les communautés avec un camion loué ou traverser trois fuseaux horaires en avion dans notre immense pays. »
« Je ne savais rien à propos du biathlon, du saut à ski ou du combiné nordique. J’ai été tellement bien appuyé par les autres organes directeurs du sport pour combler ces lacunes et offrir un programme de qualité. »
« Tout ce projet, je dois l’admettre, était un peu intimidant. Je dois apporter combien de paires de skis dans combien de clubs à travers le pays en combien de semaines? Avant même de commencer, j’en avais la tête qui tournait. »
« Par contre, les bénéfices en valaient vraiment la peine : j’ai pu visiter de nouvelles communautés au pays, voir des clubs dont je n’avais jamais entendu parler, parler de ski et entendre de nouveaux points de vue. »
« Une chose qui s’est démarqué dès le départ pour moi, » explique Cockney, qui est d’origine inuvialuit, « c’est qu’on devait contacter certaines populations et c’était notre objectif principal. Que ce soit les communautés Autochtones, LGBTQ ou n’importe laquelle des populations dignes d’équité que nous avons touchées grâce à ces activités. On a pu prouver que le ski, c’est vraiment pour tout le monde. Ce n’est pas une question de capacité, d’âge, d’origine ou de familiarité. Ce sont des activités pour le plaisir seulement et ça attire une grande variété de participants… peu importe ce qu’on recherche avec ces quatre sports, on l’offre. Ce sont des activités sportives pour la vie. »
« C’était vraiment plaisant d’offrir des opportunités à des gens partout au pays. »
« Une autre chose vraiment bien, croyez-le ou non, c’était les défis que cet hiver nous a apportés. Les conditions ont été similaires un peu partout : peu de neige, conditions variables, de la pluie en janvier… c’était vraiment difficile comme conditions de ski. J’ai été en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, en Saskatchewan et en Alberta, j’ai parlé avec des gens en Ontario et aux Québec, j’ai vu la créativité et le travail des bénévoles sur le terrain pour garder des bonnes conditions afin que les gens viennent skier. C’est incroyable. »
« C’était génial de voir l’enthousiasme des gens qui faisaient de leur mieux avec ce qu’ils avaient sous la main. »
En plus, Cockney a la chance de retourner, pour terminer ce projet, à l’endroit même où son père, Angus Cockney, ancien membre de l’équipe nationale de ski, lui a fait connaître le sport qu’il a rapidement adopté, puis chéri.
« Je suis revenu au fil du temps, mais je n’ai pas eu l’occasion de skier à Yellowknife depuis 1996, l’année où ma famille a déménagé à Canmore, en Alberta, » souligne Cockney.
« Mes premiers pas en ski étaient avec ce club en 1991 ou 1992. Ça fait longtemps. J’ai des amis à Yellowknife qui habitent toujours ici, ils ont des familles que je n’ai pas eu la chance de rencontrer… le temps file, n’est-ce pas? »
« C’est ici que j’ai appris à skier il y a de nombreuses années. Ça va être vraiment spécial. Je suis tellement chanceux que ce sport fasse partie de ma vie. »
À l’avenir, il espère que tous les Canadiens ressentiront la même chose, en partie grâce au terrain de jeu de ski.